đŠâïž Ădition spĂ©ciale : le sens de ma question
« Quel est votre livre préféré ? »
Hey Cogito team !
Il y a quelques jours, je vous invitais Ă prendre la parole en rĂ©pondant Ă la question suivante :Â
Quel est votre livre prĂ©fĂ©rĂ© ?Â
Jâai eu un immense plaisir Ă lire vos rĂ©ponses : merci de votre participation ! đ
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Aujourdâhui, je vous propose dâapprofondir la rĂ©flexion en prĂ©cisant lâobjet de ma question.Â
Comme souvent, il y a matiĂšre Ă penser car si cette question est relativement simple, le type de rĂ©ponse quâelle appelle peut considĂ©rablement diffĂ©rer selon le domaine auquel appartient le livre choisi.Â
En effet, le rapport que nous entretenons avec un texte philosophique et la relation que nous avons avec une Ćuvre littĂ©raire ne sont pas de mĂȘme nature.Â
Comme je vous lâai dĂ©jĂ Ă©crit, la pratique et la lecture de la philosophie requiert une certaine mise Ă distance de la subjectivitĂ©.Â
Pour apprĂ©cier la teneur dâune pensĂ©e, ĂȘtre capable dâĂ©prouver la pertinence dâun raisonnement, les sentiments et les convictions personnels sont prĂ©fĂ©rablement Ă mettre de cĂŽtĂ©.
Une Ćuvre philosophique donne Ă lire une pensĂ©e rationnellement conduite qui nous fait quitter le plan des affects et celui des opinions pour nous placer au niveau du concept, domaine oĂč la raison domine.
đ La philosophie nous engage prĂ©cisĂ©ment Ă aborder les textes en refusant de nous situer dans un rapport de pure adhĂ©sion ou de rejet radical, de nourrir des sentiments dâadoration ou de dĂ©testation.
En outre, le style nâoccupe pas la mĂȘme place en philosophie quâen littĂ©rature.
Si nous pouvons ĂȘtre particuliĂšrement sensible au style dâun philosophe, il est important de garder Ă lâesprit que celui-ci nâest jamais que subordonnĂ© Ă la conduite de son raisonnement et Ă lâexpression formelle de sa pensĂ©e. Â
đ Or, il nâen est pas ainsi en littĂ©rature, nous pourrions mĂȘme affirmer que notre rapport Ă la littĂ©rature est de nature principalement affective.
Câest en tout cas la conception que dĂ©fend Julien Gracq dans son essai En lisant, en Ă©crivant, qualifiant les livres âdâobjets aimĂ©sâ :Â
âUn livre qui mâa sĂ©duit est comme une femme qui me fait tomber sous le charme.âÂ
Sâil peut exister maintes raisons dâaimer un livre, aucun critĂšre objectif ne saurait expliquer pourquoi lâon se prend de passion pour telle ou telle Ćuvre littĂ©raire.
Cela ne signifie pas que la pensĂ©e est absente en littĂ©rature : au contraire, les textes littĂ©raires donnent beaucoup Ă penser et peuvent mĂȘme ĂȘtre lâobjet dâune lecture philosophique.
Il suffit pour s'en convaincre, s'il en Ă©tait besoin, de considĂ©rer les innombrables volumes consacrĂ©s Ă l'Ćuvre de Proust, lequel ayant un moment hĂ©sitĂ© sur la forme Ă adopter, avait dĂ©cidĂ©ment choisi le roman plutĂŽt que l'essai !
Toutefois, lĂ oĂč le discours philosophique a vocation Ă se situer au niveau du concept, le domaine de la littĂ©rature est le sensible ; et câest bien dans le fait dâĂ©veiller en nous des sentiments incomparables que rĂ©side tout son intĂ©rĂȘt.
đ Il ne sâagit donc pas ici de mettre de cĂŽtĂ© sa subjectivitĂ© ; au contraire, câest bien cette dimension quâil faut chercher Ă approfondir.
Câest lĂ le reproche quâadresse Julien Gracq au mĂ©tier de critique littĂ©raire :Â
â Ce que je souhaite dâun critique littĂ©raire - et il ne me le donne qu'assez rarement - câest quâil me dise Ă propos dâun livre, mieux que je ne pourrais le faire moi mĂȘme, dâoĂč vient que la lecture mâen dispense un plaisir qui ne se prĂȘte Ă aucune substitution.â
âCe que jâattends seulement de votre entretien critique, câest lâinflexion de voix juste qui me fera sentir que vous ĂȘtes amoureux, et amoureux de la mĂȘme maniĂšre que moi {...}.â
En dĂ©finitive, pour Julien Gracq, âsi la littĂ©rature nâest pas pour le lecteur un rĂ©pertoire de femmes fatales, de crĂ©atures de perdition, elle ne vaut pas quâon sâen occupe.âÂ
Nous aimons un texte littĂ©raire car, par son style, l'auteur nous ouvre les portes d'un monde que nous n'entrevoyions qu'Ă peine, ou que nous ignorions tout Ă fait : câest la couleur particuliĂšre de sa voix, chacune de ses nuances et de ses inflexions, sa tonalitĂ© singuliĂšre, qui suscitent notre adhĂ©sion.
Aussi, si notre rapport Ă la littĂ©rature peut se dĂ©crire sous les traits dâune relation amoureuse, peut-ĂȘtre est-ce parce que, comme lâaffirme Julien Gracq, aimer un livre signifie avant tout aimer son auteur.Â
Alors, reprenons : quel Ă©tait le sens de ma question ?
Quel est votre livre prĂ©fĂ©rĂ©, câest-Ă -dire :Â
đ Quelle pensĂ©e philosophique a le plus alimentĂ© votre rĂ©flexion ? Quel philosophe vous a permis (ou vous permet) de dĂ©velopper votre propre pensĂ©e ? Enfin, quel univers conceptuel suscite le plus votre intĂ©rĂȘt ? Â
đ De quelle Ćuvre littĂ©raire ĂȘtes-vous Ă©perdument amoureux ? Quel est lâauteur dont la voix vous touche, vous transporte, Ă©veille votre sensibilitĂ© autant quâelle mobilise votre intelligence ? Â
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Belle fin de semaine et Ă trĂšs vite !Â
Aurore đđŠ
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Bonjour Madame,
J'adore votre style rédactionnel qui m'éclaire à chaque lecture.
Je vous remercie pour votre accompagnement Ă l'Ă©veil philosophique.
Je vous suis reconnaissante parce que je progresse dans ce domaine qui me passionne.
Je suis satisfaite de ma premiÚre réponse car je suis une apprentie qui découvre les pensées de ces philosophes. Je reste donc en retrait.
Je vous souhaite un agréable week-end.
PĂ©pite
Bonjour Aurore
Je ne sais pas quel est mon livre prĂ©fĂ©rĂ© mais lorsque je lis Haruki Murakami je ne peux me dĂ©tacher de la lecture de ses romans ...qu'est ce qui me plaĂźt ? L' univers Japonais ! Pourquoi ? C'est depuis toujours (j'ai 64 ans ) comment expliquer cette attirance ? Cette sensation de bien-ĂȘtre ? D'appartenance ?
Je viens enfin de prendre le temps de lire vos Ă©crits, ils me font du bien , je me sens moins superficielle.
Merci beaucoup de votre partage .
A trĂšs vite !
Maryse