🦉🐂 La Corrida : abomination ou honorable tradition ?
Le combat dans les arènes enflamme la politique
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La proposition de loi déposée par les députés LFI et écologistes visant à faire interdire la corrida ravive les débats autour des conceptions de l’éthique animale.
Samedi 19 novembre dernier, des manifestations d’opposition et de soutien à la tauromachie ont eu lieu dans plusieurs villes françaises.
Tandis que le parti animaliste dénonce les pratiques archaïques d’un « spectacle de désolation terrible » s’apparentant à de la torture, les défenseurs de la corrida protestent contre cette nouvelle tentative d’abolir une tradition séculaire.
« La tauromachie, c'est notre identité, une culture vivante. Qu'on nous laisse vivre avec nos traditions », s’est insurgé le maire de Dax, Julien Dubois.
Les arguments invoqués de part et d’autre conduisent à une certaine perplexité : comment concilier la perpétuation de traditions et la nécessaire prise en compte du bien-être animal ?
Faut-il interdire la corrida au nom de l’éthique ?
L’éthique en jeu dans les arènes
L’existence de jeux taurins dans le Midi de la France date du Moyen âge, fait valoir l'Observatoire national des cultures taurines, mettant également en avant le fait que cette tradition est inspirée d'une « célébration millénaire du taureau, répandue sur l'ensemble du bassin méditerranéen sous des formes très diverses ».
“Célébration”, l’usage de ce terme pour caractériser le combat sanglant de l’homme et du taureau que ritualise la corrida à de quoi surprendre.
Alors que les spectacles du cirque sont de plus en plus controversés du fait de leur utilisation des animaux à des fins de divertissement, la tauromachie va plus loin en mettant en scène la mort de l’animal.
Étrange manière de rendre hommage au taureau que de l'exécuter en public et sous les applaudissements, surprenante conception du respect de l’animal que de s’arroger le droit de jouer ainsi avec sa vie.
Tout aussi contestable est l’existence d’écoles privées de Tauring, enseignant à de jeunes enfants à affronter le taureau selon les règles de la tauromachie - ce que ne manquent pas de souligner les défenseurs de la cause animale.
👉 La corrida heurte de nombreuses sensibilités et le maintien de sa pratique pose indéniablement des questions éthiques.
L’éthique animale n’implique-t-elle pas de refuser que ce dernier puisse être ainsi relégué à un statut d’objet dont nous pourrions disposer à l’envi, allant jusqu’à nous arroger un droit de vie et de mort sur lui ?
Si l’exploitation et la consommation d'animaux par l’homme relèvent de la nécessité et de modes de vie ancestraux, la violence gratuite que donne à voir ce spectacle semble attester du bien-fondé des accusations de “cruauté” formulées à maintes reprises par les opposants à la corrida.
Or, à l’émotion provoquée par la souffrance animale s’oppose l’émotion des défenseurs de la corrida ; le débat est passionnel.
L’exigence éthique paraît se heurter à la défense de dimensions culturelles et esthétiques.
Incontestablement, la perspective d’une interdiction ne fait pas l’unanimité : comment comprendre que cette tradition se soit perpétuée jusqu’à nos jours et qu’elle continue à être défendue avec tant de ferveur ?
La corrida, un art ?
“Il ne ferma pas les yeux
quand il vit les cornes toutes proches,
mais les mères terribles
levèrent la tête.
Et à travers les troupeaux,
s’éleva un air de voix secrètes,
cris lancés aux taureaux célestes
par des gardiens de brume pâle.”
Federico Garcia Lorca, chant Funèbre pour Ignacio Sanchez Mejias
Si l’on songe aux oeuvres picturales de Vélasquez, Goya, Picasso, Masson, Saura, Meurice ou à la littérature et à la poésie de Mérimée, Lorca, Rilke, Conrad, Hemingway, Leiris, Montherlant, Bataille, Char, en passant par Du Bellay ou encore Rousseau, force est de reconnaître la profusion d’éloges passionnés dont a fait l’objet la tauromachie.
👉 En vue d’éclairer les controverses actuelles, ce sont les raisons d’une telle fascination que nous devons chercher à comprendre.
De nombreux artistes n’ont pas hésité à apparenter la tauromachie au domaine de l’art, décrivant la capacité de ce spectacle à susciter une émotion et un plaisir de nature esthétique.
Reprenant les aspects caractéristiques de la théâtralité et de l’excès, la tauromachie serait l’occasion de l’expérience du Sublime.