đŠ đ©ș Lâeuthanasie et le suicide assistĂ© en dĂ©bat
Marche pour la vie et désir de mort
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Cette Ă©dition est relativement dense en raison de la complexitĂ© du sujet du jour, je vous propose donc dây entrer sans dĂ©tour đ.
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Dimanche 22 janvier, des milliers de personnes ont participĂ© Ă Â la âMarche pour la vieâ organisĂ©e Ă Paris.
Si cette mobilisation se tient chaque annĂ©e en opposition Ă la loi Veil relative Ă lâIVG, promulguĂ©e le 17 janvier 1975, les manifestants ont cette fois investi le dĂ©bat sur la fin de vie relancĂ© par le gouvernement. Â
 « Nous nous opposons Ă lâeuthanasie et au suicide assistĂ© », a dĂ©clarĂ© avant la manifestation le prĂ©sident de la Marche pour la vie, Nicolas Tardy-Jouber, faisant valoir, contre la possible lĂ©galisation en France dâune aide mĂ©dicale Ă mourir, que « lâinterdit de tuer doit rester fondamental ».
đ Face Ă la complexitĂ© des enjeux dâordre pratique, moral et anthropologique que soulĂšve la question de la lĂ©galisation de lâeuthanasie et du suicide assitĂ©, je mâĂ©tais jusquâalors gardĂ©e dâaborder cette problĂ©matique.
 Or, sâil nâest pas aisĂ© d'adopter une position tranchĂ©e dans ce dĂ©bat, peut-ĂȘtre ne serait-il pas inintĂ©ressant de chercher Ă comprendre pourquoi cette question est aussi difficile Ă apprĂ©hender. Â
Le sens des motsÂ
Mobilisant un vocabulaire technique dont la signification prĂ©cise souvent nous Ă©chappe, le dĂ©bat âsur la fin de vieâ est entourĂ© dâun certain flou.Â
SĂ©dation terminale, suicide assitĂ©, euthanasie⊠loin dâĂȘtre de simples synonymes, ces termes dĂ©signent des actes diffĂ©rents qui nâont pas les mĂȘmes implications. Â
La sĂ©dation terminale, Ă©galement appelĂ©e sĂ©dation profonde et continue, est un acte mĂ©dical destinĂ© Ă apaiser, jusquâĂ leur dĂ©cĂšs, les souffrances des malades en fin de vie ou de ceux condamnĂ©s Ă mourir. Â
Cet acte est aujourdâhui pratiquĂ© en France et encadrĂ© par la loi : en application depuis 2006, la loi LĂ©onetti vise Ă garantir les droits des malades en fin de vie en luttant contre une Ă©ventuelle âobstination dĂ©raisonnableâ du corps mĂ©dical.
Mis en Ćuvre Ă a demande du patient ou, si celui-ci ne peut exprimer sa volontĂ©, par dĂ©cision collĂ©giale des mĂ©decins, le protocole prĂ©voit lâarrĂȘt des traitements assurant le maintien de la vie ainsi que lâadministration de substances palliatives ayant pour effet dâaltĂ©rer la conscience du malade.Â
Le suicide assistĂ© nâest pas Ă proprement parler un acte mais plutĂŽt une aide mĂ©dicale Ă une personne consciente demandant Ă mourir. Dans ce cas prĂ©cis, lâintervention du mĂ©decin consiste Ă prescrire des substances lĂ©tales que la personne elle-mĂȘme est chargĂ©e de sâadministrer par voie orale ou par perfusion.Â
Si le suicide mĂ©dicalement assistĂ© est aujourdâhui interdit en France, certains pays tels la Suisse, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique, et certains Ă©tats des Etats-Unis lâont lĂ©galisĂ© ou dĂ©pĂ©nalisĂ© .Â
Enfin, lâeuthanasie est un acte effectuĂ© par le mĂ©decin Ă la demande du patient, consistant Ă provoquer de maniĂšre immĂ©diate sa mort, Ă la date de son choix, en lui administrant une substance lĂ©tale.Â
Ces brĂšves dĂ©finitions font dĂ©jĂ apparaĂźtre un certain nombre des difficultĂ©s que soulĂšve la question dâune aide mĂ©dicale Ă mourir : il est question de sâinterroger sur ce quâest la vocation du corps mĂ©dical, sur le rĂŽle de lâEtat, mais aussi de mener une rĂ©flexion plus large convoquant les notions de libertĂ©, de choix, de droits et de devoirs, de valeurs et de principes.Â
Cette Ă©dition ne me permettant pas de dĂ©velopper lâensemble de ces diffĂ©rents aspects, je centrerai mon propos sur quelques-uns des enjeux mis en avant par les opposants et les dĂ©fenseurs dâune possible lĂ©galisation en France du suicide assistĂ© et de lâeuthanasie.Â
Une question de dĂ©ontologie mĂ©dicaleÂ
đ La premiĂšre objection formulĂ©e contre ces deux pratiques a trait Ă la vocation des professionnels de santĂ© et consiste Ă souligner leur diffĂ©rence avec le protocole de sĂ©dation terminale dâores et dĂ©jĂ pratiquĂ©.Â
« Au moment dâĂȘtre admis(e) Ă exercer la mĂ©decine, je promets et je jure dâĂȘtre fidĂšle aux lois de lâhonneur et de la probitĂ©.
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. »
« Je nâentreprendrai rien qui dĂ©passe mes compĂ©tences. »
Ă ces deux extraits du serment d'Hippocrate, texte fondateur de la dĂ©ontologie mĂ©dicale, sâajoute une formulation explicite dĂ©finissant les limites de lâintervention mĂ©dicale :
« Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. »
Si lâon considĂšre que le rĂŽle des professionnels de santĂ© est de soigner ou, si ce nâest de guĂ©rir, de proposer des solutions visant Ă amĂ©liorer les conditions de vie en dĂ©pit de la maladie, il paraĂźt alors Ă©vident que la dĂ©cision dĂ©libĂ©rĂ©e de donner la mort se heurte au cadre dĂ©ontologique de la profession.
Il nâest donc pas abusif de la part des opposants Ă lâeuthanasie et au suicide assistĂ© dâinvoquer une remise en cause du serment dâHippocrate.Â
đ De fait, il semble important de souligner toute la diffĂ©rence entre le protocole de sĂ©dation terminale et lâaide mĂ©dicale ou pharmacologique au suicide : lĂ oĂč la premiĂšre consiste Ă proposer un accompagnement mĂ©dical Ă un patient dont la mort est inĂ©vitable et annoncĂ©e, lâeuthanasie et le suicide assistĂ© consistent Ă provoquer la mort dĂ©libĂ©rĂ©ment, ce qui nâentre pas dans le cadre des moyens thĂ©rapeutiques quâont vocation Ă mettre en oeuvre les mĂ©decins.Â
Ă cette premiĂšre diffĂ©rence sâen ajoute une seconde qui concerne les diffĂ©rents types de cas sur lesquels pourraient ĂȘtre mises en oeuvre ces pratiques : lĂ oĂč les protocoles de sĂ©dation sont destinĂ©s Ă apaiser les souffrances de patients vouĂ©s Ă mourir, lâeuthanasie et le suicide assistĂ© peuvent, ou pourraient, trouver Ă sâappliquer Ă des patients dont le pronostic vital nâest pas engagĂ© mais dont les conditions de vie sont jugĂ©es insupportables ; il nâest donc ici pas seulement question de ce que lâon nomme la fin de vie mais plus largement dâune rĂ©ponse mĂ©dicale au dĂ©sir de mourir.Â
 Le problĂšme de la dĂ©pendanceÂ
Cependant, ce dĂ©sir de mourir procĂšde dans nombre de cas dâune rĂ©alitĂ© Ă laquelle le personnel mĂ©dical est quotidiennement confrontĂ©, et peut-ĂȘtre de maniĂšre croissante, Ă savoir lâĂ©tat de dĂ©pendance.Â