Chers lecteurs,Â
Bienvenue dans cette nouvelle Ă©dition !
âš Je vous souhaite une trĂšs belle, heureuse et enrichissante annĂ©e 2024 !Â
Que celle-ci sâaccompagne de la joie dâapprendre et de comprendre, quâelle soit pour vous source dâĂ©tonnement, d'Ă©merveillement et de dĂ©couvertes ! âš
Le passage Ă la nouvelle annĂ©e serait propice aux bilans personnels et professionnels.Â
Chaque dĂ©but dâannĂ©e sâaccompagne dâune injonction Ă dresser le bilan de lâannĂ©e Ă©coulĂ©e sous la forme dâune analyse comptable dĂ©crite en termes de productivitĂ©, de rentabilitĂ© et dâobjectifs accomplis.Â
đ Or, si la pĂ©riode peut ĂȘtre favorable Ă la rĂ©flexion, la pertinence de ce type dâexamen quantitatif est loin dâĂȘtre assurĂ©e.
Quant aux dĂ©marches dâintrospection uniquement dictĂ©es par lâoccasion, celles-ci ne consistent gĂ©nĂ©ralement quâĂ formuler de bonnes rĂ©solutions aux suites Ă©phĂ©mĂšres. Comportant le mĂȘme caractĂšre factice, la liste des objectifs professionnels Ă atteindre reprĂ©sente bien souvent une charge qui nous laisse une certaine impression de dĂ©couragement.
Une rĂ©flexion plus gĂ©nĂ©rale quant Ă la maniĂšre dont le travail participe Ă notre accomplissement pourrait peut-ĂȘtre nous permettre dâaborder 2024 avec un nouvel Ă©lan. đ
De la notion de travail, la philosophie propose trois types dâapproches, fondĂ©es sur trois conceptions aussi complĂ©mentaires que contradictoires :Â
Ă lâappui de son Ă©tymologie latine tripalium dĂ©signant un instrument de torture, le travail peut ĂȘtre envisagĂ© sous les aspects de la nĂ©cessitĂ© et de la contrainte. Â
EnvisagĂ©e dans le cadre dâune critique de la civilisation industrielle et de la division du travail, lâactivitĂ© professionnelle est dĂ©crite comme source dâasservissement, voire dâaliĂ©nation.Â
Conçu comme activitĂ© proprement humaine, Ă la source de toute civilisation, le travail peut ĂȘtre envisagĂ© en tant que condition de la libertĂ©, câest-Ă -dire le mouvement - dâaprĂšs la thĂšse hĂ©gĂ©lienne - par lequel la conscience humaine, en marquant son inscription dans le monde par la production dâoeuvres qui lui sont extĂ©rieures, parvient Ă la conscience dâelle-mĂȘme. Â
đ Câest ce troisiĂšme type dâapproche, centrĂ© sur la valeur positive du travail, que je vous propose dâemprunter aujourdâhui.Â
Penser le travail en lien Ă la libertĂ© et aux valeurs fait apparaĂźtre les notions de solidaritĂ© et de responsabilitĂ© que son exercice met en jeu et, plus fondamentalement encore, pose la question de son sens et de sa finalitĂ©. Â
Le travail, un certain regard sur le mondeÂ
Tout mĂ©tier implique un cadre, fait de rĂšgles et de contraintes. Toute profession affronte des problĂ©matiques spĂ©cifiques et mobilise un certain type de lexique. Tout mĂ©tier limite lâhomme et aborde le monde au prisme de considĂ©rations particuliĂšres.
Or, cette dimension particularisante et rĂ©ductrice produit en mĂȘme temps un certain type de regard - un regard exercĂ©, spĂ©cialisĂ© - et instaure entre lâhomme et le monde un certain type de rapport.
Cette capacitĂ© du travail Ă ouvrir aux hommes une comprĂ©hension particuliĂšre et plus fine du monde a Ă©tĂ© magnifiquement dĂ©crite par Antoine de Saint-ExupĂ©ry dans son oeuvre Terres des hommes :Â
« Ainsi les nĂ©cessitĂ©s quâimpose un mĂ©tier transforment et enrichissent le monde. {...} Le spectacle monotone qui fatigue le passager est dĂ©jĂ autre pour lâĂ©quipage. Cette masse nuageuse, qui barre lâhorizon, cesse pour lui dâĂȘtre un dĂ©cor : elle intĂ©ressera ses muscles et lui posera des problĂšmes. DĂ©jĂ il en tient compte, il la mesure, un langage vĂ©ritable la lie Ă lui. »
« {...} le pilote qui navigue quelque part, sur son tronçon de ligne, nâassiste pas Ă un simple spectacle. Ces couleurs de la terre et du ciel, ces traces de vent sur la mer, ces nuages dorĂ©s du crĂ©puscule, il ne les admire point, mais il les mĂ©dite. Semblable au paysan qui fait sa tournĂ©e dans son domaine et qui prĂ©voit, Ă mille signes, la marche du printemps, la menace du gel, lâannonce de la pluie, le pilote de mĂ©tier, lui aussi dĂ©chiffre des signes de neige, des signes de brume, des signes de nuit bienheureuse. »
En raison des spécificités qui lui sont propres, des enjeux qui sont les siens, toute activité