🦉💃🕺 Trouble dans le genre et polémique à Sciences Po
Le féminisme d’hier à aujourd’hui
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Après les plaintes d’étudiants, Sciences Po Paris écarte sa professeure de danse «sexiste», titrait le Parisien le 7 décembre dernier.
Le renvoi de la professeure qui refusait que deux femmes ou deux hommes dansent en couple a déclenché de vives réactions.
Certains médias ont dénoncé le parti pris idéologique de ce licenciement, potentiellement dû au refus de l’enseignante de remplacer les termes “homme” et “femme” jugés discriminants, par ceux, de “leader” follower”.
D’autres ont invoqué le comportement déplacé, à caractère sexiste, raciste et hommophobe de la professeure, en relatant les témoignages de certains étudiants.
S’il semble difficile d’identifier clairement les motifs de la décision de Science Po, ce fait divers est une occasion d’aborder le concept de genre et de chercher à comprendre pourquoi certaines revendications apparentées à la cause féministe suscitent aujourd’hui la polémique.
Dans le sillage de la French Theory
Dans quelle mesure l’emploi des termes “homme” et “femme” peut-il être jugé discriminant ?
Qu’il s’agisse ou non du motif avéré ayant conduit au renvoi de la professeure de danse, la volonté d’interdire l’usage de certains mots ou de certaines expressions est bien attestée au sein de diverses organisations militantes - appartenant en particulier au domaine de l'antiracisme et du féminisme.
👉 Si l'émancipation politique et sociale des femmes ainsi que l’analyse des différents courants féministes relèvent bien du domaine de la philosophie politique, de nouveaux courants, ostensiblement militants, de philosophie féministe sont apparus dans le sillage de la French Theory, en particulier à la suite des travaux de Michel Foucault.
Reprenant la démarche foucaldienne et nietzschéenne d’une généalogie visant à traquer et à démasquer les rapports de pouvoir inscrits de manière invisible au sein de la langue, des institutions, mais aussi de l’ensemble des savoirs et des pratiques, ces courants de pensée se proposent de déconstruire les catégories structurelles de la pensée politique occidentale.
L’américaine Judith Butler inaugure ce mouvement avec la publication en 1990 de Gender Trouble - Trouble dans le genre, en se proposant de débusquer les intérêts politiques qui structurent l’ensemble des représentations et des savoirs.
Butler décrit la philosophie, plus largement le règne de la raison occidentale, comme intrinsèquement sexiste.
Aristote, Descartes, Hegel, Rousseau, Nietzsche, sont ainsi rejetés comme auteurs misogynes ayant consacré le règne de la phallocratie en philosophie et justifié l’asservissement des femmes.
Dans la même perspective, le concept d’universel n’est jamais que le véhicule de la norme d’un discours masculin ; il est, pour reprendre le vocabulaire de ce type de courant, “masculinocentré”.