đŠâ°ïž Lâaide active Ă mourir lĂ©galisĂ©e ?
De lâĂ©thique Ă la bioĂ©thique
Chers Cogito lecteurs,Â
Bienvenue dans cette nouvelle Ă©dition !Â
Dans lâĂ©dition du 2 fĂ©vrier, je vous proposais dâexaminer quelques-unes des grandes questions que soulĂšve le dĂ©bat sur la fin de vie (si vous ne lâavez pas lue, je vous invite Ă la retrouver ici : đŠ đ©ș Lâeuthanasie et le suicide assistĂ© en dĂ©bat ).Â
đ Mardi 21 fĂ©vrier la presse a rĂ©vĂ©lĂ© les rĂ©sultats de la Convention citoyenne rĂ©unie le temps dâun week-end pour dĂ©battre de la question dâune possible Ă©volution de la loi concernant le suicide assistĂ© et lâeuthanasie. Â
Sur 176 votants, 75% se sont dĂ©clarĂ©s favorables Ă lâaide active Ă mourir.Â
Alors que la possibilitĂ© dâune lĂ©galisation du suicide assistĂ© et de lâeuthanasie semble ĂȘtre approuvĂ©e par une grande partie de la population, il est Ă dĂ©plorer que les thĂšses dĂ©veloppĂ©es depuis de nombreuses annĂ©es par les grandes figures de la bioĂ©thique en faveur dâune dĂ©pĂ©nalisation de lâeuthanasie demeurent en grande partie mĂ©connues et ne figurent pas dans les dĂ©bats actuels.
En vue dâĂ©clairer les grands enjeux que soulĂšve la possible lĂ©galisation de ces deux pratiques, je vous propose aujourdâhui un premier aperçu des conceptions qui ont largement contribuĂ© Ă lâĂ©mergence de ce dĂ©bat de sociĂ©tĂ©.Â
La convention citoyenneÂ
DestinĂ©e Ă sonder lâopinion quant Ă une potentielle Ă©volution de la loi encadrant la fin de vie, la convention citoyenne, mise en place Ă lâinitiative du PrĂ©sident de la RĂ©publique, rassemblait lors de cette sixiĂšme session un groupe dâexperts et 184 citoyens tirĂ©s au sort.Â
Ă lâissue dâun week-end de dĂ©bats et dâateliers dans lâhĂ©micycle du Palais d'IĂ©na, les citoyens ont exprimĂ© leur avis dans le cadre dâun vote : 19% dâentre eux se sont prononcĂ©s contre une Ă©volution du cadre lĂ©gal de lâaide active Ă mourir, 6 % se sont abstenus et 75% ont exprimĂ© un avis favorable.
Ă la question : Faut-il permettre aux mineurs le recours Ă lâeuthanasie et au suicide assistĂ© ?, 67% des votants ont Ă©mis un avis favorable.
Si le suicide assistĂ© rencontre une plus large approbation (72%) que lâeuthanasie (66%), lâopinion sâinscrit donc majoritairement en faveur dâune libĂ©ralisation de ces pratiques.Â
Le consensus autour de lâaide active Ă mourir que rĂ©vĂšlent ces rĂ©sultats conduit Ă se demander si la fin de vie est vĂ©ritablement un objet de dĂ©bat. Or, il nây a rien dâĂ©tonnant Ă ce que la prĂ©sentation de ces deux pratiques en tant quâavancĂ©es Ă©thiques, propres Ă permettre une libĂ©ration de la souffrance, rencontre une si large approbation. Â
La bioĂ©thique, une version moderne de lâĂ©thique ?
LâĂ©thique, telle est bien la dimension au centre de la problĂ©matique de lâaide mĂ©dicale active Ă mourir ; une problĂ©matique relevant de ce quâil est courant de nommer -ou dâentendre nommer- la bioĂ©thique, gĂ©nĂ©ralement sans plus de prĂ©cisions quant Ă lâorigine et au sens de ce terme.
La bioĂ©thique tend ainsi frĂ©quemment Ă ĂȘtre prĂ©sentĂ©e sous la forme dâune Ă©thique Ă©voluĂ©e ou, en dâautres termes, dâune nouvelle version de lâĂ©thique intĂ©grant les expertises, les innovations et les grands dĂ©fis de la ModernitĂ©. Or, est-ce effectivement le cas ?Â
đ Peut-ĂȘtre nâest-il pas inutile de rappeler que la bioĂ©thique est avant tout une discipline issue de la rĂ©flexion morale anglo-saxonne, Ă©galement Ă lâorigine des Ă©tudes de genre et de lâĂ©laboration de lâĂ©thique animale. La bioĂ©thique nâest pas dĂ©nuĂ©e dâun certain militantisme, en atteste le grand combat portĂ© par son fondateur, Hugo Tristram Engelhardt, en faveur dâune âmort digneâ.Â
Ce seul aspect suffit Ă montrer toute la diffĂ©rence qui sĂ©pare lâĂ©thique de cette nouvelle discipline : alors que dans la tradition philosophique, lâĂ©thique a toujours dĂ©signĂ© la doctrine du salut et de la vie bonne, la bioĂ©thique dĂ©place le cadre de la rĂ©flexion pour se centrer sur la question de la bonne mort.Â
De cette redĂ©finition de lâĂ©thique Ă©merge une toute nouvelle conception de la vie, de lâhumain et des rĂšgles qui prĂ©sident Ă la vie en sociĂ©tĂ©.Â
La mort de lâhommeÂ
Moyens dâune libĂ©ration, garanties dâune mort non seulement digne et apaisĂ©e mais aussi consentie ou choisie, le suicide assistĂ© et lâeuthanasie ouvrent la perspective de dominer ce qui de toute Ă©ternitĂ© Ă©chappait tragiquement Ă notre maĂźtrise.
Non seulement la mort tend dĂ©sormais Ă apparaĂźtre comme une problĂ©matique susceptible de trouver une solution de nature technique, mais elle acquiert dans le mĂȘme temps une indĂ©niable dimension politique : lâĂtat investit cet espace qui relevait jusquâalors de la sphĂšre privĂ©e et du sacrĂ©.Â
đ Les grands sujets dont entreprend de sâemparer la sociĂ©tĂ© nâĂ©mergeant jamais de nulle part ni au hasard, une attention mĂ©rite dâĂȘtre portĂ©e au plĂ©biscite dont fait lâobjet la dĂ©pĂ©nalisation de lâeuthanasie au sein de la discipline bioĂ©thique.Â