Chers lecteurs,
Cette semaine Cogito fait sa rentrée !
Je suis très heureuse de vous annoncer enfin la reprise des publications !
Je vous expliquais les raisons de cette période d’interruption dans mon dernier mail :
Durant cette période, j’ai pu, comme je vous l’avais annoncé, me consacrer à l’écriture. (Je vous en dirai plus à ce sujet très prochainement !)
Je tiens à remercier les fidèles lecteurs avec qui j’ai continué à entretenir une correspondance durant cette traversée passionnante en solitaire ! J’ai eu un immense plaisir à vous lire et à vous répondre 🙂.
🦉 De nouvelles perspectives s’ouvrent aujourd’hui pour Cogito avec des formats de publications inédits et des objectifs encore plus ambitieux !
Je vous remercie tous de continuer à être à mes côtés pour faire vivre cet espace de réflexion philosophique et de débats sur l’actualité.
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À présent, je vous propose un retour sur l’actualité avec ce premier Cogito News 🗞 de la rentrée 2023.👇
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Cette semaine de rentrée scolaire a été troublée par la crainte d’incidents suite à la polémique déclenchée par l’interdiction des abayas et des qamis au sein des établissements.
Une fois encore, la problématique des signes religieux et des marqueurs identitaires prend le pas dans l'Éducation sur les questions proprement liées à l’enseignement - ce qui en dit long sur l’état de la société et des savoirs.
Depuis les engagements à faire preuve de la plus grande fermeté pris en octobre dernier par Pap Ndiaye, lors de la deuxième commémoration de l’assassinat de Samuel Paty, la situation ne semble guère avoir changé.
La défense des principes et des valeurs qui ont permis de fonder l’École Républicaine vient se heurter aux mêmes revendications et protestations, dans une sorte de litanie à laquelle nous sommes désormais accoutumés et qui semble chaque fois endormir un peu plus les esprits.
Les coups portés à l'École Républicaine s’accumulent, recensés sous le terme d’ “atteintes à la laïcité” ; la même partition semble inlassablement se rejouer dévoilant chaque fois un peu plus l’impuissance des pouvoirs publics.
Ici encore, la cause et l’effet de cette répétition sont bien la confusion : confusion produite et entretenue par les discours des défenseurs comme des opposants à cette mesure.
L’abaya est-elle un signe religieux ? L’interdiction de l’abaya est-elle réellement une affaire de laïcité ? En somme, cette mesure est-elle justifiée ?
Les contradictions des contradicteurs
L’abaya serait un simple vêtement, non un signe religieux. C’est cet argument que faisait valoir le 12 juin dernier, dans un communiqué, le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman) dont le vice-président déclarait en outre : « Pour moi, l'abaya n'est pas une tenue religieuse, mais plutôt une forme de mode ».
Pourtant, d’aucuns, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon et d’Éric Ciotti, ont déclaré voir dans cette mesure un « énième épisode d’acharnement islamophobe et raciste » : un nouveau procès en islamophobie qui atteste de manière patente que l’abaya n’a vraisemblablement pas rien à voir avec l’Islam.
L’abaya, dont les origines remonteraient aux anciennes civilisations de Mésopotamie, est une longue robe couvrant l’ensemble du corps.
Cet habit, principalement porté en Arabie saoudite, au Maghreb et dans les pays du golfe Persique ne ferait l’objet d’aucun commandement coranique.
👉 Il ne s’agirait donc pas à proprement parler d’un signe religieux mais bien plutôt d’un vêtement symbolisant la modestie - ou la soumission, selon l’interprétation - de la femme.
De même que le voile tend à être de plus en plus présenté en simple accessoire de mode, l’abaya occupe depuis le début du XXIe siècle une place grandissante dans les collections des couturiers de luxe.
La difficulté à déterminer si le port de l’abaya est aujourd’hui chargé d’un sens politique et/ou religieux en raison de sa captation par l’industrie de la mode fait largement écho aux travaux portant sur le développement d’un “Islam de marché”.
En 2019, dans un dossier EHESS intitulé Espace alimentaire et normativités islamiques : anthropologie du marché halal, Florence Bergeaud Blackler montrait que la consommation constitue un instrument politico-religieux redoutable.
Contre la thèse d’un Islam sans islamisme défendue par certains auteurs universitaires - notamment le politologue Olivier Roy - l’anthropologue démontrait que l’expansion de ces nouveaux marchés n’est que la poursuite par d’autres moyens d’un même combat théologico-politique.
L’abaya semble bien être au nombre de ces instruments politico-religieux d’un genre nouveau destinés à faire plier les règles et les principes édictés par les États sous le joug des lois du marché.
« La modification marginale d’un signifiant n’aboutit pas à épuiser le signifié », écrit très justement Florence Bergeaud Blackler à propos de ces marqueurs métamorphosés en simples biens de consommation.
Une question de laïcité ?
« Il y a un principe, c'est la laïcité. Et il y a une loi qui interdit le port de tout signe ou tenue par lequel un élève manifeste son appartenance à une religion. {…} », a déclaré Élisabeth Borne.
Or, si l’abaya n’est pas à proprement parler un signe religieux, il serait ici probablement davantage question de civilité que de laïcité.
De fait, le respect de la liberté de penser qui est le principe dont dérive la laïcité ne semble en rien être contredit par le port d’un vêtement - aussi chargé de signification soit-il.
Il n’en demeure pas moins que le port de l’abaya, procédant indissolublement et de manière équivoque, de trois types d’influences - religieuse, politique et économique - entre en totale incompatibilité avec la principale mission de l’Éducation qui n’est autre que celle d’apprendre aux élèves à penser par eux-mêmes et en toute liberté.
Ce qui est à défendre dans le cas présent est le principe supérieur qui tient lieu de fondement à l’Institution et constitue sa raison d’être, à savoir l’affirmation que l’école, lieu de formation des esprits, doit être et rester ce sanctuaire où nul diktat - qu’il soit de nature politique, religieuse ou encore économique - n’a de place car les enseignements dispensés en son sein sont affaire non d’autorité mais bien de raison.
Interdiction justifiée ?
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Si le système éducatif a vocation à garantir la possibilité d’une connaissance rationnelle, non fondée sur les rapports de force du temps présent, le militantisme politique, les dogmes religieux comme les lois du marché, doivent en être strictement tenus à l’écart.
Ici, un aspect de la pensée de Bertrand Russel mérite toute notre attention : dans ses écrits sur l'éducation, le philosophe livre une remarquable défense de la pensée critique.
Dans un texte datant de 1932 (La religion et l’éducation), le philosophe entendait exposer les méfaits de l’éducation religieuse telle qu’elle était alors pratiquée en Angleterre dans les écoles anglicanes ou catholiques romaines. Russel écrit : « {…} tout credo, quel qu’il soit, est susceptible d’être dommageable en éducation dès lors qu’on le soustrait à l’examen intellectuel auquel on soumet normalement nos croyances scientifiques. »
Tout credo, quel qu’il soit : la formule désigne bien évidemment les périls de la religion comme ceux de la propagande politique et de la séduction opérée par les opinions et les modes du moment.
« L’éducation devrait favoriser le désir d’arriver à connaître la vérité, plutôt que la conviction qu’un credo particulier est la vérité », écrit encore Russel dans ses Principes de reconstruction sociale.
Si l’École est, comme le déclarait très justement Pap Ndiaye lors de la dernière commémoration de l’assassinat de Samuel Paty, « un lieu qui doit être débarrassé d'influences extérieures » c’est principalement parce que ces influences tendent à occulter le type de vertus que se doit de promouvoir le système éducatif, à savoir les vertus épistémiques que sont l’objectivité, l’impartialité et l’honnêteté intellectuelle.
L’interdiction de l’abaya est bien une affaire de principe : pour que la vocation de l’Éducation à former les esprits ne se brise pas en logiques séparatistes, les commandements religieux, les combats politiques comme les lois du marché ne doivent franchir le seuil des établissements.
En attendant la prochaine édition, j’ai hâte de vous retrouver ci-dessous dans l’espace commentaire !
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👋 P.-S. Ces éditions pourraient vous intéresser :
À très vite,
Aurore 💜🦉
L'abaya n'est qu'une étape de plus dans un projet d'Islamisation de la France. Cela commence par le voile, puis l'abaya, dans quelques années on essaiera de légitimer la burqua...
Je suis très heureux de la proposition d'interdiction.
Bonjour Aurore,
Quel plaisir de te lire à nouveau, ton retour est la meilleure nouvelle de la rentrée :). Premier sujet d'attaque très brûlant mais analyse pertinente une fois de plus merci ! A très vite,